Sa majesté des mouches
A l'origine, il y a un roman culte de William Golding, Sa Majesté des Mouches, écrit en 1954, best-seller étudié partout et connu de tous, dans lequel des enfants, esseulés sur une île paradisiaque, organisent une nouvelle société et cèdent à des pulsions déraisonnables à l'abri des regards adultes. Dans les années 60, le cinéaste Peter Brook, venu du monde du théâtre, a osé transposer cette histoire sur grand écran en ne trahissant pas sa nature pernicieuse et en respectant scrupuleusement sa dramaturgie : les enfants ne sont plus des anges mais des démons.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, un avion transportant des garçons, issus de la haute société anglaise, envoyés par leurs parents en Australie pendant le Blitz, s'écrase sur une île déserte du milieu du Pacifique. Seuls rescapés, les bambins organisent dans un premier temps une hiérarchie en répartissant trois équipes selon des castes : ceux qui chassent, ceux qui protègent le feu et ceux qui ne font rien parce qu'ils sont faibles. Ils élisent l'un d'eux comme chef (James Aubrey), à la manière d'une population votant son gouverneur. Celui qui aide le chef dans sa tâche (Hugh Edwards) est surnommé "Piggy" ("Porcinet" en Français), victime des railleries en raison de son embonpoint.
Le choix du chef suscite la jalousie du plus âgé de la bande (Tom Chapin) qui de son côté va se charger de l'insurrection en manipulant les plus faibles et en jouant sur les mythes et les peurs ancestrales (les monstres, les fantômes). Influençables à l'envi, les enfants se divisent en deux catégories distinctes : ceux qui veulent gouverner et ceux qui doivent subir; ceux qui oublient le vernis social pour céder à leurs instincts primitifs et ceux qui se raccrochent aux restes de civilisation en s'appuyant sur des restes de leur ancienne éducation (ils sortent tous d'une école militaire) et en respectant les lois qu'ils avaient édictées dès le départ.
Dans le film comme dans le roman, les notions de liberté et de loi sont adossées. La violence des premiers s'exprime d'abord sur un animal (le cochon dont la tête est fièrement posée sur un pieu), ensuite sur des enfants (le premier visé étant le plus faibles de tous, mais aussi le plus lucide). C'est le seul qui ose suggérer que la bête si menaçante et si invisible dont tout le monde a peur cache en réalité la bête endormie chez un enfant du même âge que lui. Pour impressionner, les enfants singent des rites tribaux en se grimant le corps ; en éructant des cris d'animaux ; en retournant à l'âge de pierre des hommes préhistoriques. Sans doute pour redéfinir l'histoire et oublier l'arrogance du discours qu'ils tenaient en arrivant sur l'île, vantant la supériorité de leur nation. On peut interpréter cette histoire sous différents angles analytiques (philosophique, symbolique, métaphorique, sociologique, anthropologique). Par exemple, les lunettes de l'un des enfants, utilisées pour faire du feu, traduisent symboliquement le passage d'une forme de connaissance à la barbarie, aux superstitions (l'adoration des divinités) et à la négation du savoir, de tout ce qui a précédé. Le caractère fantastique est renforcé par le fait qu'ils sont les seuls survivants d'un crash aérien et qu'il n'y a aucune tutelle adulte. L'absence d'autorité favorise le chaos ; l'ivresse de la transgression enivre les esprits.
A l'origine, il y a un roman culte de William Golding, Sa Majesté des Mouches, écrit en 1954, best-seller étudié partout et connu de tous, dans lequel des enfants, esseulés sur une île paradisiaque, organisent une nouvelle société et cèdent à des pulsions déraisonnables à l'abri des regards adultes. Dans les années 60, le cinéaste Peter Brook, venu du monde du théâtre, a osé transposer cette histoire sur grand écran en ne trahissant pas sa nature pernicieuse et en respectant scrupuleusement sa dramaturgie : les enfants ne sont plus des anges mais des démons.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, un avion transportant des garçons, issus de la haute société anglaise, envoyés par leurs parents en Australie pendant le Blitz, s'écrase sur une île déserte du milieu du Pacifique. Seuls rescapés, les bambins organisent dans un premier temps une hiérarchie en répartissant trois équipes selon des castes : ceux qui chassent, ceux qui protègent le feu et ceux qui ne font rien parce qu'ils sont faibles. Ils élisent l'un d'eux comme chef (James Aubrey), à la manière d'une population votant son gouverneur. Celui qui aide le chef dans sa tâche (Hugh Edwards) est surnommé "Piggy" ("Porcinet" en Français), victime des railleries en raison de son embonpoint.
Le choix du chef suscite la jalousie du plus âgé de la bande (Tom Chapin) qui de son côté va se charger de l'insurrection en manipulant les plus faibles et en jouant sur les mythes et les peurs ancestrales (les monstres, les fantômes). Influençables à l'envi, les enfants se divisent en deux catégories distinctes : ceux qui veulent gouverner et ceux qui doivent subir; ceux qui oublient le vernis social pour céder à leurs instincts primitifs et ceux qui se raccrochent aux restes de civilisation en s'appuyant sur des restes de leur ancienne éducation (ils sortent tous d'une école militaire) et en respectant les lois qu'ils avaient édictées dès le départ.
Dans le film comme dans le roman, les notions de liberté et de loi sont adossées. La violence des premiers s'exprime d'abord sur un animal (le cochon dont la tête est fièrement posée sur un pieu), ensuite sur des enfants (le premier visé étant le plus faibles de tous, mais aussi le plus lucide). C'est le seul qui ose suggérer que la bête si menaçante et si invisible dont tout le monde a peur cache en réalité la bête endormie chez un enfant du même âge que lui. Pour impressionner, les enfants singent des rites tribaux en se grimant le corps ; en éructant des cris d'animaux ; en retournant à l'âge de pierre des hommes préhistoriques. Sans doute pour redéfinir l'histoire et oublier l'arrogance du discours qu'ils tenaient en arrivant sur l'île, vantant la supériorité de leur nation. On peut interpréter cette histoire sous différents angles analytiques (philosophique, symbolique, métaphorique, sociologique, anthropologique). Par exemple, les lunettes de l'un des enfants, utilisées pour faire du feu, traduisent symboliquement le passage d'une forme de connaissance à la barbarie, aux superstitions (l'adoration des divinités) et à la négation du savoir, de tout ce qui a précédé. Le caractère fantastique est renforcé par le fait qu'ils sont les seuls survivants d'un crash aérien et qu'il n'y a aucune tutelle adulte. L'absence d'autorité favorise le chaos ; l'ivresse de la transgression enivre les esprits.